Les Débuts,

par Jean-Pierre PAOLI
  

 
C’est son frère José Dohlem qui nous avait présentés. Tous ceux qui ont connu José se souviennent d’une personne courtoise, drôle d’un humour qu’aucun anglais de la City n’aurait critiqué. Ils conduisait bien, vite, avec un détachement pour ceux à qui « Amicalement vôtre » parle digne de Roger Moore. Aussi avais-je eu tendance à imaginer Didier de la même trempe,avec son visage poupon, son teint rosé et ses bonnes manières. Il avait
choisi contrairement à son frère, issu du volant Shell à Magny Cours, de suivre la filière Elf en s’inscrivant en 1972 à l’École de Pilotage du Circuit Paul Ricard que j’ai eu l’honneur de fonder sous l’autorité de Paul Ricard un an plus tôt.

Très rapidement son visage est devenu familier à chaque moniteur, et autres élèves, amis et concurrents. Il essayait d’être aussi discret que possible, dans ses attitudes et ses performances, mais rapidement il s’est imposé comme favori de la finale. François Guiter le Patron de la filière Elf, à qui le sport automobile français doit tant, avait décelé chez lui un grand avenir seulement en examinant une à une les photos des finalistes retenus
par l’École. Le jour J, il n’a laissé aucune chance à ses adversaires et a gagné sous les yeux ravis de François Guiter le droit de courir une saison de Formule Renault. Il a dû attendre une autre saison avant de gagner son
premier titre, mais quel panache ! Lorsqu’il enlevait son casque, on découvrait un adolescent, aux joues roses couvertes de sueur, alors qu’en course il venait d’affirmer une détermination inflexible, et son talent de
pilote. Nous nous sommes souvent croisés dans le milieu et avions conservé des relations amicales.

Des années plus tard, il avait tenté de m’associer à la création d’une société à St Tropez dont le double but annoncé était de vendre des bateaux offshore, ces « cigarettes », équipés de moteurs Lamborghini et d’en louer
à des résidents fortunés de Saint Tropez. Il avait imaginé, sachant ces engins capricieux d’intervenir sur appel radio par hélicoptère équipé de flotteurs. Bien sûr, il comptait sur sa participation en course pour asseoir
la notoriété de sa marque. J’étais trop attaché à l’Équipe Ligier, à son patron, pour envisager de les quitter. J’avais eu le privilège dans ces circonstances de faire la connaissance de sa mère. On comprenait vite d’où
il tenait sa féroce volonté brisée sur une vague envoyée par Neptune comme la flèche de Pâris sur Achille. Il fallait bien un dieu pour avoir raison de son élan vital.

Jean-Pierre Paoli
Ancien Directeur du Circuit Paul Ricard (1968-1972)