Qu'a fait Didier ?

Par Johnny RIVES


J'ai rencontré Didier Pironi avant même qu'il devienne pilote de course.
C'était par l'entremise de celui qui passait alors pour être son cousin, José
Dolhem, ainsi que par des amis communs résidant Orly ville ou dans mes
parages : Jean-Claude Guénard, Michel Beltoise etc...
Quand il a commencé à courir, parmi les coups de téléphone que nous
recevions le dimanche soir à L'Equipe de lecteurs nous demandant des
résultats, les plus attendus étaient ceux de M. Dolhem. Alors que je n'ai
pas le souvenir qu'il nous ait jamais appelé pour connaître un résultat de
José, M.Dolhem paraissait très anxieux de savoir ce qu'avait réussi Didier
ces jours là.
"Bonsoir, ici M. Dolhem. Avez-vous le résultat de Magny-Cours (ou
Nogaro, ou Zolder etc...). Qu'a fait Didier?"
En septembre 1981 à Monza, après la première journée d'essais du G.P.
d'Italie, Didier vint nous voir, mon confrère et ami Jean-Louis Moncet
et moi-même : "J'aimerais qu'on dîne ensemble ce soir chez Fossati, j'ai
quelque chose à vous dire..." Et, une fois à table, de nous servir ce dont
je me doutais depuis longtemps : "En fait, José n'est pas mon cousin,
c'est mon frère. Enfin mon demi-frère..." Didier aurait pu même préciser
son "trois quarts de frère"! Il ajouta dans un éclat de rire:"Ça c'est rien,
mais il y a quelques mois mon père nous a présenté notre soeur. Elle est
agée d'une vingtaine d'années!"A l'image de son père, Didier Pironi eut
lui aussi une vie amoureuse tumultueuse. Lors de son grave accident
d'Hockenheim en 1982 qui mit fin à sa carrière alors que l'on voyait déjà
en lui le futur champion du monde, certains mirent sur le compte de son
enthousiasme excessif ce jour là le fait qu'il était très amoureux d'une
actrice qui l'accompagnait sur les circuits depuis quelques semaines. Or
il était marié avec une très élégante jeune femme. Et comptait peut-être
sur son agenda le nom d'une autre jeune femme pour qui son coeur battait
également.
Un an après le dramatique épisode d'Hockenheim, je voulus faire un
point sur sa situation morale et physique pour savoir s'il entendait ou
non reprendre bientôt le volant d'une F1. Pour répondre à ma demande
d'interview, il me fit la gentillesse de venir chez moi, rue d'Hauteville
à Paris où nous serions plus au calme qu'à la rédaction de L'Equipe ou
que dans un café. Une fois l'interview achevée et mon magnétophone

coupé, je lui demandai en riant où il en était de ses histoires de
coeur. "J'ai fait table nette, me répondit-il, pour y voir plus clair dans
mes sentiments."Bon. Là-dessus, il me salue. "Attands, lui dis-je, je
descends avec toi, je dois aller à L'Equipe sans attendre pour rédiger
notre interview..."Ok, il ne bronche pas. Nous prenons l'ascenseur
ensemble et une fois dans la rue, qu'est-ce que je vois sagement assise
dans sa Mercedes stationnée devant la porte de mon immeuble? Une des
trois amoureuses évoquées plus haut! Je n'ai toujours pas compris ce qu'il
avait entendu en me parlant de "table rase"!